Expo « The Crime Museum Uncovered » à Londres (9 octobre 2015-10 avril 2016)

Crime Museum uncovered, expo à Londres

Crime Museum Uncovered : la Met dévoile enfin son Musée du Crime…

140 ans après sa création, le Musée du Crime de la Metropolitan Police de Londres ouvre ses portes au grand public, sous forme d’une exposition passionnante – « The Crime Museum uncovered » – programmée seulement du 9 octobre 2015 au 10 avril 2016… Organisée par le Musée de la Ville de Londres (Museum of London), c’est une occasion unique de découvrir les collections secrètes de Scotland Yard, jusque là réservées à la formation des forces de police.

En visite à l’étranger, certains préparent minutieusement la liste des monuments à visiter, des restaurants ou des spécialités locales à tester… Moi, je commence toujours par me renseigner sur l’existence d’un musée de la police ! En plus du Musée de la Police de Paris, j’ai ainsi visité celui de New-York, de Rome, celui de Stockholm et de Copenhague, et pas pu visiter celui de Bruxelles ou de Prague (fermés les jours où j’étais de passage ou avec des horaires confidentiels) et constaté avec déception que beaucoup sont tout simplement fermés au public, comme le musée de la Garda à Dublin).

Après avoir raté la super exposition sur les sciences médico-légales proposée par la fondation Wellcome un peu plus tôt en 2015 (du 26 février au 21 juin), j’ai sauté sur l’occasion de découvrir « The Crime Museum Uncovered » lors d’un petit week-end à Londres, vite fait bien fait.

Crime Museum uncovered at The Museum of London

Le « Black Museum »

Officiellement créé en 1875 à partir des saisies effectuées lors de l’arrestation des criminels et conservées en dépôt jusqu’à leur sortie de prison (« the Prisoners’ property store »), le Musée du Crime de Scotland Yard, initialement ouvert 2 heures par jour, puis carrément fermé au public, a toujours suscité la plus grande fascination. Le registre des visiteurs, scrupuleusement tenu, consigne ainsi les visites de très nombreux officiers de police, mais aussi de rois, de reines, de personnalités politiques, écrivains ou célébrités, parmi lesquels Sir Arthur Conan Doyle ou le magicien Houdini !

La collection du Musée du Crime de la Met serait formée en tout de quelques 2000 objets, dont 600 sont exposés dans l’expo-événement « Crime Museum Uncovered » organisée au Museum of London (cf. Catalogue de l’exposition, introduction, p.3).

  • Les 2 premières salles, de taille modeste, sont consacrées aux toutes premières collections assemblées par le musée : masques mortuaires réalisés aux fins d’étude phrénologique après les exécutions, croquis d’audience signés William Hartley (1862-1937), fiches anthropométriques centralisées à Scotland Yard à partir de 1871, cordes ayant servi à pendre jusqu’en 1964 les condamnés à mort (cf. Catalogue de l’exposition, p.150) et aussi certains cas qui ont fait les unes des gazettes à l’époque : l’affaire Tichborne et bien sûr les rares documents conservés par Scotland Yard concernant Jack l’Eventreur, dont un appel à témoin daté du 3 octobre 1888 reproduisant la lettre « Dear Boss » écrite à l’encre rouge et signée « Jack the Ripper » :

« Any person recognizing the handwriting is requested to communicate with the nearest Police Station » / « Toute personne reconnaissant cette écriture est priée de se mettre immédiatement en relation avec le poste de Police le plus proche », précisait l’affiche.

  • La troisième et dernière salle de l’exposition « Crime Museum uncovered », beaucoup plus imposante, présente sur le mur de droite une série de 24 panneaux-vitrines détaillant des affaires criminelles datant de 1905 à 1975. Sur les murs du fond, de gauche et dans quelques vitrines disséminées sur le parcours, des collections autour de « thèmes » tels que la lutte contre la drogue, l’avortement ou le terrorisme montrent combien la notion de crime, autant que les moyens d’enquête, ont évolué en un siècle (aucune affaire postérieure à 1975 n’est évoquée par respect pour les familles).

Des frères STRATTON, premiers criminels à être confondus par leurs empreintes digitales en 1905 (une histoire racontée en détail par Val McDERMID dans « Forensics : the Anatomy of Crime »,  pp.121-127) à la prise d’otages du Spaghetti House de Knightsbridge en 1975, réglée grâce à l’aide d’un psychiatre, chaque affaire a été choisie avec soin par les commissaires de l’exposition Jackie Keily et Julia Hoffbrand pour illustrer les développements des méthodes d’enquête, des sciences médico-légales ou de la loi sur l’ensemble de la période.

Crime Museum uncovered : maquette scène de crime (1910)
Au procès de Patrick Mahon (affaire Emily Kaye), la scène de crime avait été reconstituée en miniature, seul le mobilier ayant été conservé – Photo ©Museum of London

En 1910, le Dr. CRIPPEN sera rattrapé par le télégraphe dans sa fuite vers Québec après le meurtre de sa femme Cora, chanteuse de music-hall. En 1924, des photos et une maquette de la scène de crime seront produites pour la première fois lors du procès de Patrick Mahon, accusé du meurtre de sa maîtresse enceinte Emily KAYE. C’est cette affaire qui inspirera à Sir Bernard SPILSBURY la création du « murder bag » ou « forensic kit » (la future mallette des Experts !) pour l’investigation de scène de crime et la préservation des preuves. On peut en voir un exemplaire, daté des années 40-50 dans l’exposition :

Crime Museum : murder bag (années 40)
Premier « Murder bag » ou « forensic kit » mis au point par Sir Bernard Spilsbury pour équiper les policiers intervenant sur des scènes de crime (fin des années 40) – Photo ©Museum of London

Visiter l’exposition « Crime Museum Uncovered » donne évidemment l’occasion de rencontrer des personnages très peu recommandables, tels que :

Crime Museum uncovered : femmes criminelles Amelia SACH & Annie WALTERS (1903)
Amelia SACH et Annie WALTERS (croquis d’audience signé William HARTLEY)
  • Amelia DYER pendue en 1896, Amelia SACH et Annie WALTERS pendues – en double – le 3 février 1903, soi-disant nourrices recueillant et élevant des enfants non désirés qu’elles étranglaient ou empoisonnaient aussi sec et jetaient à la Tamise dans des sacs lestés de pierres, non sans avoir auparavant mis leurs petits vêtements au clou et passé de nouvelles annonces dans la presse (Catalogue exposition, pp. 22 & 50)
  • Le séduisant Gordon CUMMINS, aka « the Blackout Ripper », soldat de la Royal Air Force qui mit à profit le couvre-feu en 1942 pour tuer 4 femmes en 6 jours et en attaquer 2 autres, à coups de tisonnier, de couteaux, d’ouvre-boîte ou de fer à friser… Souvenez-vous, c’est l’une des premières enquêtes du « Bletchley Circle », dans la Saison 1 de la série « Enquêtes codées » !)
Crime Museum uncovered : Gordon Cummins, aka The Blackout Ripper (1942)
Les 4 victimes féminines de Gordon CUMMINS et les armes utilisées par le « Blackout Ripper » en 1942 – Photo ©Museum of London
Crime Museum uncovered : John Haigh, aka « The Acid Bath Murderer » (1949)
« Comment prouverez-vous le meurtre sans corps ? » (The Acid Bath Murderer, 1949)
  • John HAIGH, aka « The Acid Bath Murderer » (1949), le type qui tue 6 personnes et pense avoir trouvé la martingale pour s’en sortir à tous les coups en faisant disparaître les corps dans de l’acide sulfurique.
  • Ou les affreux frères KRAY, leaders d’un gang londonien dans les années ’60, dont l’histoire vient d’être à nouveau portée à l’écran par Brian HELGELAND, sous le titre « Legend » avec Tom HARDY dans le double rôle de Ronald et Reginald KRAY.

Si ces portraits criminels ne vous ont pas donné de frissons dans le dos, arrêtez-vous devant la vitrine des « Armes offensives » ou celles consacrés aux très nombreux attentats terroristes perpétrés à Londres dès les années 1880…

Crime Museum uncovered : armes offensives
Impressionnantes – Armes offensives présentées dans l’exposition « Crime Museum uncovered » : étoiles à lancer, poings américains, fléaux et masses d’armes, gourdins et matraques cloutés… [Catalogue exposition, pp 138-139]
Crime Museum uncovered : Dr Crippen (1910)
En 1910, l’assassinat d’une chanteuse de music-hall par son mari le Dr Crippen fait scandale à Londres ! – Photo ©Museum of London

Dès le matin, l’expo était pleine (on réserve date et heure de visite à l’avance, sur le site du Musée). Pleine de touristes attirés par la réputation sulfureuse du « Black Museum » de Scotland Yard, mais aussi d’Anglais, ravis de découvrir de plus près l’histoire criminelle de leur pays, à travers les trésors enfin révélés du « Crime Museum » de la Metropolitan Police de Londres. Soyons honnêtes, c’était la même curiosité et les mêmes gloussements que lors de la grande expo Landru au Musée des Arts et Lettres à Paris, en 2013 ! (1)

Les photos étant interdites à l’intérieur de l’exposition, nous n’avons pas hésité à reproduire certaines pages du catalogue de l’exposition.

Pas le temps ou pas la chance de pouvoir vous rendre à Londres pour profiter de l’exposition « Crime Museum uncovered » ? Procurez-vous le catalogue de cette expo-événement (en anglais), vous en saurez à peu près autant que si vous l’aviez vue en vrai. La mise en page des éléments de chaque affaire étant moins formatée que sur les panneaux de l’expo, on a l’impression d’en apprendre encore et toujours plus !

La conclusion du bouquin insiste sur toutes les raisons de “conserver et d’entretenir le Musée du Crime de Londres » (192), mais la question n’est-elle pas plutôt : pourquoi le laisser secret et fermé au public ?

 

(1) Exposition « Landru – 6h10 – Temps clair », Musée des Arts et Lettres à Paris, du 23 mai au 15 septembre 2013

 

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