Oh what a Handsome Family!
La première saison du « True Detective » de Nic PIZZOLATTO et Cary FUKUNAGA rend accro, dès les premières images, dès les premières notes de « Far from Any Road », la désormais célèbre ballade du duo « The Handsome Family ».
Alors bien sûr, j’ai eu envie de découvrir tout l’album « Singing Bones », sorti en 2003 (Ah ! quand même !) et… je suis encore plus accro !
Leur musique est apparemment classée dans la « country alternative » ou « alt-country » (plus rien ne m’étonne depuis que chez Virgin, on m’avait aiguillée vers le rayon « Acid Jazz » pour trouver l’album de Jamiroquai que tout le monde s’arrachait à l’époque !).
Plus intéressant, j’ai découvert qu’il existe un genre musical, dont peuvent se réclamer The Handsome Family : la « murder ballad », telle qu’elle a été chantée par Joan Baez, Dylan ou Johnny Cash (« Folsom Prison Blues ») et ça, forcément, ça me va plutôt bien !
Bien que les deux n’aient pas grand-chose à voir, la musique de The Handsome Family choisie pour « True Detective » m’a évoqué celle de Ry Cooder pour « Paris, Texas » : aussi prenante, obsédante, essentielle…
« Far from Any Road »…
La première écoute de l’album « Singing Bones » est assez drôle. L’impression de se retrouver accoudé dans un bar au fin fond du Texas (si seulement !) devant une bière qui tiédit !… Le 3ème morceau (#3. « 24-Hour Store ») nous offre même un accompagnement à la scie musicale, digne d’un ride dans « Phantom Manor » (je n’en avais plus entendu depuis La Piste aux Etoiles, quand j’étais enfant !).
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Hors des sentiers battus
Mais au fil des chansons, on entend aussi une guitare espagnole (#2. Gail with the Golden Hair), – la même que dans « Paris, Texas » ? -, une petite pincée d’harmonica (#3 24-Hour Store), quelques trompettes mexicaines (#5. Far from any Road), du banjo dans les morceaux les plus « country » (#8. Dry Bones), et une musicalité parfois quasi moyen-âgeuse (#10. Whitehaven)…
Hors des sentiers battus, le duo de The Handsome Family ? Oui, vraiment !
A part pour un ou deux morceaux (#7, #8, #12) sur les 13 que compte l’album, on est assez loin de la musique country « tradi », voire caricaturale, telle qu’on l’entend généralement. A bien y réfléchir, même, #8 semble plus près d’un chant d’église, d’un gospel.
Question de rythme d’abord, la plupart des chansons étant extrêmement lentes, douces et posées.
Pour le meilleur à la ville – Albuquerque, au Nouveau-Mexique – comme en scène, Rennie SPARKS écrit tous les textes des chansons de The Handsome Family et accompagne de sa voix fluette et délicate le baryton lent de son mari Brett SPARKS. Sa manière à lui de chanter semble bien résumée dans #7. A Shadow Underneath :
“And everything was quiet, everything was clean.”
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Le thème de “True Detective”
Dans #5. « Far from any Road », la chanson choisie par le directeur musical T Bone BURNETT pour le thème d’ouverture de « True Detective », saison 1, le couple nous offre un magnifique duo dans le style sombre qui les caractérise.
Dans le très bon ITV du Washington Post signé Rachel Lubitz « A Conversation with the Handsome Family… », Rennie explique le sujet de « Far from any Road » : la rencontre hautement toxique et psychédélique avec une curieuse plante aux fruits couverts d’épines et aux fleurs blanches en forme de moulin à vent qui ne fleurit que la nuit : la « Jimson weed » ou « loco weed », aussi appelée herbe aux fous, herbe du diable ou endormeuse, et pour les botanistes, « Datura stramonium » ou stramoine.
Après l’hallucination sévère :
“A strange hunger haunted me; the looming shadows danced […]”
survient la mort physique et sa cruelle réalité :
“Mountain cats will come to drag away your bones”
l’homme rejoignant alors l’univers :
“And rise with me forever across the silent sand,
And the stars will be your eyes and the wind will be my hands”.
Bref, une histoire à la fois « piquante », fascinante, dangereuse, sombre et… métaphysique, tout à fait à l’image de la série !
Musique “gothique”…
L’album tout entier résonne de cet appel auto-destructeur à aller « down, down » et à se coucher dans l’onde, comme les Ophélie hallucinées de #1 The Forgotten Lake :
“Come with me to the forgotten lake […] Strange lights fly across the rocky beach
Girls in white nightgowns wander barefoot in their sleep
And the vapors of dreams winding circles ’round their feetDown, down
Float them down
Let the waters float them down
To where they’ll remember everything”
[#1. The Forgotten Lake]
Il y a des ombres “là-dessous” (#7. A shadow underneath), des mystères au fond de l’eau noire des lacs et des lumières bizarres sur la plage (#1. The Forgotten Lake), des voix qu’on entend, mais qu’on ne « voit » pas (#2. Gail with the Golden Hair), des fantômes dans les allées des supérettes de nuit (#3. 24-Hour Store) et des trous dans la terre qui sont peut-être des passages vers cet autre monde (#4. The Bottomless Hole) où le temps est mort et tout est immobile (#6. If the World should end in Fire). Parfois aussi des regards noirs et brillants vous réveillent en plein sommeil (#11. Sleepy) et parfois la mort elle-même vient vous chercher sur le champ de bataille (#9. Fallen Peaches) ou dans les montagnes (#12. The Song of a Hundred Toads).
Parmi les 13 chansons de l’album, #4. « Bottomless Hole » met superbement en musique et en paroles cette curiosité irrépressible pour l’au-delà, à travers l’histoire de ce fermier qui découvre un trou près de sa grange, se contente pendant des années d’y jeter toutes les ordures possibles (vaches mortes, tracteurs hors d’état…), puis devient littéralement obsédé par l’idée que le puits est sans fond (« my mind would not let go »)… Il demande alors à sa femme de l’aider à y descendre et, arrivé au bout de la dernière des cordes, enragé de n’avoir pas touché son but, décide de lui dire adieu et de « couper la corde ». En plein milieu de son aventure carrollienne (il est toujours en train de tomber à la fin de la chanson), sa conclusion est étonnante : « But until I hit the bottom, I won’t believe it’s bottomless ».
Dans cette chanson, le côté calme, très posé, binaire du chant contraste avec l’histoire qui est racontée. J’aime particulièrement ces deux vers empreints de tendresse et de détermination :
“My wife, she did help me, she fed me down the ropes
And then I sank away from the surface of this world”
qui font ressortir, au-delà de l’aspect gothique et sombre, une autre caractéristique importante de la musique de The Handsome Family : la notion de couple, d’aventure vécue à deux et qu’on ressent fortement dans cet album :
- La première chanson est une invite : « Come with me… », et après avoir observé les autres se coucher dans l’onde, un reflet dans les yeux de sa belle ouvre la porte :
“Down, down
Float us down
Let the waters float us down
To where we’ll remember everything”
(#1. The Forgotten Lake)
- Après la mort, les étoiles et le vent conservent les traits de l’autre :
“And rise with me forever across the silent sand,
And the stars will be your eyes and the wind will be my hands”
(#5. Far from Any Road)
- et dans # 8. Dry Bones, avec ses accents gospel, ses versets et ses répons, une vois forte se fait entendre : “Redeeming love I’ve found”.
Entre irruptions de folie ( #2. Gail with the Golden Hair, #10. Whitehaven), hallucinations (#1. The Forgotten Lake, #3. 24-Hour Store, #5. Far from any Road, #7. A Shadow Underneath), fascination pour la mort et l’au-delà (#1. The Forgotten Lake, #4. The Bottomless Hole, #5. Far from any Road, #9. Fallen Peaches, #12. The Song of a Hundred Toads) et visions de fin du monde (#6. If the world should end in fire, #11. Sleepy, #13. If the World should end in Ice), l’univers de The Handsome Family est clairement gothique.
Mais l’imagerie de leurs textes – sauf exception (#1, #7), la plupart d’entre eux sont ancrés dans le 19ème siècle américain, leurs personnages sont éleveurs de bétail (4. Bottomless Hole), soldats de la Guerre de Sécession (9. Fallen Peaches) et chercheurs d’or (12. The Song of a Hundred Toads) – et la tendresse qui s’en dégage font que leur univers n’est pas très éloigné, finalement, de celui d’un Tim BURTON, par exemple (avec Rennie et Brett dans le rôle de Emily et Victor de « Noces funèbres » (2005)…
En mars 2015, la Handsome Family fait une super tournée au Royaume-Uni et en Irlande avant de poursuivre par la côte ouest en avril.
Ou peut-être si vous passez par Albuquerque ?
Me revient l’exclamation pleine de dédain pour la musique country – sous –entendu, cette musique de ploucs ! – entendue d’un couple d’Américains « bon ton » que nous recevions à Paris. Je ne leur ai pas dit qu’élevée avec les feuilletons américains, la « country » est presque « native » chez moi, pire : que j’adore ça !!!
Et vous, avez-vous aimé le thème de « True Detective » ? Auriez-vous envie de découvrir l’album ?
En Savoir plus :
- « True Detective » : Playlist de la Saison 1
- Site internet de The Handsome Family et dates des prochaines tournées
- Acheter l’album CD « Singing Bones » de The Handsome Family (2003) inclut « Far from any Road », le thème d’ouverture de « True Detective »
- Acheter le DVD de la Saison 1 de “True Detective”
oui ! De là, à écouter l’album, je ne sais pas….^^
Ah ben alors ? Ca fait des road-trips du diable aux Etats-Unis et ça ne goûte pas la musique country « alternative » ? Va falloir arranger ça, Arwen !
je ne connaissais pas, mais je ne suis pas branchée TV .. en tout cas, la vidéo de bande annonce est très évocatrice pour moi de ces paysages de désolations des Grandes Plaines … merci pour ton passage aussi sur mon blog et de m’avoir permise de découvrir cela .. et non, la country n’est pas une musique de plouc .. tu as raison .. et moi bientôt je t’emmène écouter du blues du vrai dans des endroits les plus typiques de l’Amérique profonde, la vraie ..
Ah cool ! C’est mon rêve, ça, une visite des US en musique ! Je noterai toutes tes adresses dans mes petits carnets… Merci d’être passée Isabelle !