Les Amateurs d’Art du Tilleul, de Philippe WARET…

Les Amateurs d'Art du Tilleul : couverture du livre aux Editions Gilles Guillon

Le troisième opus des Mystères de Roubaix aurait pu s’appeler « Le Mystère Dikkebosch » (115). Mais chacun des 12 polars composant la série rend hommage à un quartier historique de Roubaix. Après le quartier du Fontenoy et des Longues Haies, voici donc Les Amateurs d’Art du Tilleul

Nous sommes en 1894 et cette fois, c’est au monde de l’art à Roubaix que Philippe WARET s’intéresse. Les peintres primitifs flamands (68), collectionneurs passionnés et arnaqueurs de toute sorte auront bien sûr leur place dans cette enquête. Une nouvelle aventure bourrée de péripéties pour les 3 journalistes du Populaire, qui maintient jusqu’au bout l’action et le suspense. Nous profiterons de cette troisième lecture pour analyser quelques points caractéristiques de l’écriture polar de Philippe WARET, son modus operandi.

Les Amateurs d’Art du Tilleul : jeu de cache-cache à Roubaix

Un « tableau de l’époque flamande », don de la famille du brasseur Mortier-Savorel disparaît d’une église (17), puis deux (25). La même nuit, une troisième toile signée Joos Dikkenbosch est volée au musée des Beaux-Arts de Roubaix (63)…

S’agit-il d’un simple cambriolage et si oui, pourquoi décrocher un tableau plutôt qu’emporter un calice ou piller un tronc ? Pourquoi cibler les œuvres de Joos Dikkebosch dont seulement quatre sont connues des amateurs d’art du Tilleul (37) ? Ou bien est-ce la famille du donateur Mortier-Savorel qui est visée (42) ? La décollation de Jean le Baptiste, conservée chez eux, est-elle le prochain tableau sur la liste (84) ?

A la moitié du livre, tout l’œuvre peint et les croquis de Joos Dikkenbosch ont disparu de la circulation. Et en définitive, même l’existence du peintre du 17ème siècle semble douteuse (128) ! Mortier-Savorel mort pendant le cambriolage, c’est tout son entourage « séparément ou tous ensemble » qui pourrait l’avoir tué (125).Les Amateurs d'Art du Tilleul : citation encadrée

Entre fausses pistes et rebondissements, il faudra bien le double de pages à Arnaud et ses collègues pour découvrir le pot aux roses et l’enchaînement de tous les faits.

Peu à peu, on identifie les membres de la bande (182). Mais qui est le « patron » (216) à qui l’on rend des comptes ? Et qui le « commanditaire » mystérieux (182) ? Jusqu’au bout l’auteur parvient de manière remarquable à maintenir le suspense dans cette enquête complexe et pleine de faux semblants.

Un procès houleux

L’enquête des Amateurs d’Art du Tilleul se termine pratiquement sur le procès des différents mis en cause (chap.23). Le récit de cette séance du tribunal est une première chez Philippe WARET et aussi une réussite. Ainsi les réactions de la salle à l’annonce du commanditaire successivement par trois des co-accusés ou le témoignage étonnant de l’expert (238). Murmures, chahut, commentaires outrés ou acerbes, rires et huées se succèdent au cours de ces dix pages très réussies.

L’auteur des Amateurs d’Art du Tilleul nous surprend pourtant en ne faisant pas toute la vérité sur « l’affaire Dikkebosch » (245) à l’occasion du procès. Laissée libre de sa version des faits (240),  l’abominable veuve s’en sort plutôt bien. Les « Happy ends » ont sans doute un prix…

 

Les Mystères de Roubaix : modus operandi

 Avec Les Amateurs d’Art du Tilleul, troisième livre de la série, il est temps de faire le point sur le modus operandi de l’auteur.

Les Personnages de Philippe WARET

  • Tous pour un, un pour tous

C’est original et pratique pour ce qui est de l’enquête, – même s’il faut savoir le gérer ! -, Philippe WARET n’a pas un seul héros central, mais 3 enquêteurs :

  • Arnaud Dupin, jeune homme curieux avec de bonnes facultés de raisonnement,
  • Henri Bernard, propriétaire du Journal Le Populaire et de plein de relations utiles
  • et Léandre, secrétaire de rédaction, typographe et service d’archives ambulant.

Ce sont les gentils.

Travaillant dans un journal qui publie informations, petites annonces et imprime des affiches, ils ont un accès privilégié à l’information. Le briefing journalier répartit le travail entre eux trois. Puis on décide par exemple de creuser telle ou telle info pour « ramener de la copie ». Tels des joueurs de basket, les trois se font des passes à longueur de journée. Ils se rencontrent opportunément en ville ou au journal (leur base), échangent les infos. Puis ils se dispersent à nouveau pour mieux se retrouver, riches de nouveaux détails qui font avancer leur raisonnement et l’enquête.

  • Les alliés et les Guests

Une autre de leurs bases est le commissariat de quartier. Le commissaire Bonenfant dans L’Ecorcheur du Fontenoy, Lesquive dans La Petite Main des Longues Haies et Les Amateurs d’Art du Tilleul leur donnent accès sans broncher aux rapports de police.

Outre ces alliés tactiques évidents, ils bénéficient souvent d’auxiliaires temporaires féminins qui ajoutent charme et douceur à cet univers d’hommes. Parmi eux :

  • Le/la pickpocket de La Petite Main des Longues Haies (Clément/Clémentine)
  • La douce et flamboyante Adélaïde, qui partage la vie d’Arnaud le temps d’une enquête dans Les Amateurs d’Art du Tilleul.

Gentils ou méchants, les personnages de Philippe WARET sont toujours bien décrits et caractérisés de manière à être uniques, inconfondables.

L’historien de Roubaix

Philippe WARET est historien, l’historien de la ville de Roubaix. Son but à travers ces enquêtes policières est de faire revivre le Roubaix industriel de la fin du 19ème siècle. Il s’agit en outre dans chaque histoire de mettre en avant un quartier historique précis, une topographie utile à l’enquête. Ainsi les églises, l’École nationale des arts industriels ou le musée des Beaux-Arts dans Les Amateurs d’Art du Tilleul.

C’est évidemment le point fort et toute l’originalité de cette série de polars historiques. Au fil des enquêtes, nous découvrons l’habitat ouvrier, les filatures, les coopératives, les villas et hôtels de maître des grands industriels, en périphérie des quartiers…

Les rues, places, églises sont appelées par leur nom et le quartier revit à travers les portraits ou les mouvements de foule de ses habitants, les ateliers, estaminets et fêtes populaires.

Les Amateurs d'Art du Tiilleul : carte postale ancienne montrant le parvis de l'Eglise Sainte-Elisabeth
Le parvis de l’église Sainte Élisabeth – © Méd Rx

Dans Les Amateurs d’art du Tilleul, c’est le Roubaix des peintres et des collectionneurs qui est mis en avant par l’historien (29,33-34) :

« Car Roubaix est une ville où l’on apprécie l’art pictural. Mais c’est aussi une ville de peintres, cela fait partie de sa renommée. » (28)

L’auteur montre aussi comment des gens simples (un ancien tisserand devenu gardien de nuit) sont capables de ressentir les œuvres d’art, de dialoguer avec elles, de les admirer (56).

 

Grâce à ses qualités d’écriture, le mariage du polar et de l’histoire marche plutôt bien.dans Les Mystères de Roubaix. Si le deuxième opus manquait un peu de mystère, l’enquête policière complexe reprend tous ses droits dans Les Amateurs d’Art du Tilleul.

Etes-vous fan de polars historiques ? Le Roubaix industriel de Philippe WARET vous a-t-il convaincu ?

En Savoir plus :

  • Acheter et lire le polar Les Amateurs d’Art du Tilleul de Philippe Waret (Gilles Guillon édition, Coll. Les Mystères de Roubaix, janvier 2018)

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