J’ai testé le 1er Salon de la Mort !

Démonstration de montage d’un cercueil en carton, témoignage de médiums sur l’au-delà, possibilité de créer sa propre « vanité high-tech » à partir d’un IRM, mais aussi une centaine d’exposants et plus d’une vingtaine de conférences, le premier Salon de la Mort ! grand public qui avait lieu du 8 au 10 avril 2011 au Carrousel du Louvre à Paris promettait d’être aussi intéressant que rigolo…

Argument ultime, le site de l’événement précisait : « Entrée gratuite pour les donneurs de corps ! » Heureusement, les invitations offertes en nombre sur le Net ne m’ont contrainte à rien de définitif…

Avec un certain goût de la provocation, les organisateurs du Salon Jessie Westenholz et Jean-Pierre Jouët, – créateurs en série de salons aussi prestigieux que la FIAC, le Salon du Livre ou Marjolaine -, voulaient faire parler d’un sujet aujourd’hui devenu tabou : celui de la mort, en réunissant toutes les parties prenantes : professionnels des contrats obsèques et des assurances vie, pompes funèbres, associations de soutien aux familles et personnes en fin de vie, philosophes, artistes, et bien sûr, le public.

Paris gagné, avec un salon multi-facettes et des conférences passionnantes/éclairantes.

« Une société thanatophobe et mortifère »…

Conférence inaugurale de la psychologue Marie de Hennezel (auteur de « La Mort intime ») qui évoque son parcours dans la première unité de soins palliatifs en France créée en 1987, les années SIDA et la perte progressive de l’intimité avec la mort, source croissante d’angoisse et de solitude dans notre société.

« Pourquoi parler de la mort ? », demande Marie de Hennezel. Parce que « La mort aide à vivre », améliore notre rapport au temps, notre gestion des conflits, notre goût de vivre et de créer, de construire du sens.

Et, citant Louis Vincent-Thomas : « une société thanatophobe est une société mortifère ».

« Six Feet Under » en vrai !

2ème conférence particulièrement appréciée, celle de Mélanie Lemonnier sur la thanatopraxie.

Ethnologue, auteur de « Thanatopraxie et thanatropracteurs : étude ethno-historique des pratiques d’embaumement en France » (sa thèse) et co-auteur avec Karine Pesquera de « Thanatopraxie : technique, histoire et pratique au quotidien », Mélanie Lemonnier anime des formations du personnel soignant à la prise en charge des personnes décédées et de leur famille et aux derniers soins.

Entre prolongation de l’illusion de la vie (on parle de cosmétologie funéraire) et rite de séparation avec l’être aimé, la thanatopraxie, pratiquée pour 40% des décès en France, est une suspension temporaire du processus de décomposition destinée à permettre le transport, l’exposition et l’hygiène du mort.

Nous voilà plongés au cœur de l’art et des préoccupations de Federico “Rico” Diaz, l’artiste embaumeur, – et le meilleur atout, rappelons-le ! – de l’entreprise de pompes funèbres Fisher & Sons de la série « Six Feet Under ».

A l’image des témoignages de quelques thanatopracteurs proposés à la fin de la conférence, le jeune Rico avait été impressionné par le savoir-faire du patriarche lors de la mort de son père et c’est ce qui avait motivé sa vocation.

Rites et repères…

Dernière conférence à laquelle j’ai assisté, la prestation en duettistes et très réussie de François Michaud-Nérard, Directeur Général des Services funéraires de la Ville de Paris, et Damien Le Guay, philosophe.

Alors que les « funérailles d’antan » suspendaient le temps social, le nouvel idéal de mort est une mort invisible (on meurt à l’hôpital), où même le corps disparaît (la crémation est passée de moins de 1% à plus de 30% en une génération) et où, à travers le développement des contrats-obsèques, on règle soi-même par avance les démarches autrefois prises en charge par la famille.

Le philosophe y voit l’affirmation d’un individu seul et sans responsabilité, une déshumanisation, l’incapacité d’être dans le lien, le vivre ensemble… Or la question fondamentale de l’homme ne sera jamais épuisée par la science.

Voilà pour les conférences, de ce 1er Salon de la Mort ! Mais on pouvait aussi y découvrir des artistes et collectionner les idées de lecture…

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