Faut-il visiter le Musée Jack l’Eventreur de Londres ?

Musée Jack l'Eventreur de Londres : logo avec silhouette Jack

Depuis son ouverture en août 2015, j’ai toujours entendu parler du Musée Jack l’Eventreur de Londres comme d’un « piège à touristes », voire d’une « absolute disgrace »…  J’ai voulu me faire ma propre opinion.

Je vous dis tout sur le projet et son ouverture très contestée, on fait la visite ensemble et on conclut ! Faut-il ajouter la visite du Jack the Ripper Museum de Cable Street sur la to do-list de votre prochain voyage à Londres ?

Scandale à l’ouverture du musée Jack l’Eventreur de Londres !

Proposé à la municipalité de Tower Hamlets par Mark PALMER-EDGECUMBE – ex-responsable Diversité chez Google  -, le nouveau musée avait pour projet de témoigner de l’histoire sociale des femmes de l’East End, en particulier à travers l’histoire du mouvement des Suffragettes à partir de 1860 et autour de la 1ère Guerre Mondiale et leur campagne pour l’égalité des salaires.

L’avant-projet précisait :

« The museum will recognise and celebrate the women of the East End who have shaped history, telling the story of how they have been instrumental in changing society. It will analyse the social, political and domestic experience from the Victorian period to the present day. »/ Le musée rendra hommage aux femmes de l’East End qui ont changé le cours de l’histoire et montrera la façon dont elles ont contribué à changer la société. Il passera en revue l’histoire sociale et politique de notre pays depuis la période victorienne jusqu’à nos jours. » [Traduction personnelle]

Le musée devait aussi raconter la vie des femmes dans les ateliers et les usines de l’époque victorienne…

Au lieu de cela, les observateurs notent bientôt sur le chantier une enseigne à l’effigie de Jack l’Eventreur ! A la veille de son ouverture, sans prévenir, l’ambitieux projet de musée de la conquête des droits des femmes en Angleterre se transforme en attraction racoleuse, autour des malheureuses prostituées de l’East End, victimes du pire criminel sexuel en série, puisqu’il n’a jamais été identifié, arrêté ou condamné.

Des prostituées et des victimes.

Exit :

  • la contribution des femmes de l’East End de Londres à l’histoire des femmes en général,
  • la célébration de la diversité dans ce quartier de Londres,
  • le lieu de culture innovant qui serait reconnu pour l’excellence de sa recherche, de sa muséographie et de son contenu éducatif,
  • actif au cœur de la communauté, tissant des partenariats multiples avec les écoles,
  • et mettant en lumière des destins individuels inspirants,

tels que décrits dans les détails de l’avant-projet retrouvés par la journaliste Rossalyn WARREN dans un article de Buzzfeed daté du 29/07/2015).

Les intellectuels, les historiens, les féministes et les habitants du quartier expriment leur surprise et leur colère. L’ouverture du musée Jack l’Eventreur le 4 août 2015 est accueillie par des manifestations appelant au boycott et à la fermeture, des injures, des jets d’œufs et de peinture et le pugilat se poursuit sur les réseaux sociaux.

Il ne s’agit évidemment pas d’erreurs de communication ou de maladresse et quand la direction du musée Jack l’Eventreur lance sa première saison d’halloween en proposant de s’immortaliser en Jack the Ripper et de faire des selfies avec le corps de Catherine EDDOWES, un terrible bad buzz se déchaîne sur Twitter. Mérité.

 

Une visite au musée Jack the Ripper de Cable Street, quartier de Whitechapel

Très médiatisés et restés mystérieux jusque très récemment (1), on ne s’étonne pas du mythe qui entoure depuis plus de 130 ans les meurtres de Whitechapel.

Aussi rapides que violents et assortis d’un modus operandi unique, les 5 meurtres dits « canoniques » attribués à Jack l’Eventreur – sur un total de 11 – ne se produisent pas sur une seule année, mais sur à peine plus de 2 mois :

  • 31/08/1888 : Mary Ann NICHOLS
  • 08/09/1888 : Annie CHAPMAN
  • 30/09/1888 : Elizabeth STRIDE et Catherine EDDOWES
  • 09/11/1888 : Mary Jane KELLY.
Musée Jack l'Eventreur : découverte du corps de Catherine Eddowes à Mitre Square, figures de cire
Le 30 septembre 1888, le corps de Catherine Eddowes est découvert par le constable Watkins à Mitre Square –

Premier étage : Mitre Square

Sur 5 niveaux dans une très étroite maison victorienne historique du quartier de Whitechapel, le musée de Jack l’Eventreur présente une scène par étage.

Plus marquante puisque c’est le jour où « Jack » fait deux victimes, c’est donc la reconstitution de la découverte du corps de Catherine EDDOWES par l’agent WATKINS à Mitre Square, le 30 septembre 1888 qui accueille le visiteur au premier étage du Musée Jack l’Eventreur de Cable Street.

Très loin des répliques saisissantes du Musée Grévin ou de Tussauds,  les figures de cire de la scène sont basées sur l’illustration de The Illustrated Police News, parue à l’époque du crime.

Deuxième étage : Ripper’s Sitting Room (le salon de l’éventreur)

Au niveau suivant, c’est le salon de l’Eventreur lui-même qu’on découvre, ou du moins un salon meublé et décoré dans le style de l’époque, puisque bien sûr on ne sait pas qui était Jack l’Eventreur, son origine sociale ou sa profession.

Etait-ce un médecin ? Un boucher ? Un artiste ou un aristocrate ? Toutes les hypothèses sont préservées dans cette pièce du Musée Jack l’Eventreur qui expose à la fois des instruments médicaux, collections de potions et de poisons, crâne et tête phrénologique et un dessin signé Walter SICKERT, longtemps suspecté d’être Jack l’Eventreur.

Musée Jack l'Eventreur : détail instruments médicaux, fioles, etc. dans le salon du tueur.

Pas de mannequins de cire dans cette pièce, mais une cape et des hauts de forme avec lesquels vous pourrez vous prendre en photo.

Musée Jack l'Eventreur : reconstitution de l'intérieur du tueur

Musée Jack l'Eventreur : une autre vue du salon du tueur, au deuxième étage
Reconstitution d’un intérieur victorien typique : celui du tueur ?

Troisième étage : le commissariat, QG de l’enquête

Face aux plans du quartier reliant les scènes de crime à des photos, des preuves et les profils des suspects dans un accrochage certainement trop moderne, la figure de cire de l’inspecteur Frederick George ABBERLINE, détective en charge de l’affaire en 1888, reste prisonnière du Musée Jack l’Eventreur. A son poste quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, il ne résoudra jamais l’affaire…

Dans une petite vitrine, on aperçoit des pièces originales, telles que le sifflet, le carnet, les menottes ou le bâton du gardien de la paix WATKINS, lors de la découverte du corps de Catherine EDDOWES.

Musée Jack l'Eventreur : vue du commissariat de Frederik Abberline au 3ème étage

Musée Jack l'Eventreur : la statue de cire de Frederik Abberline au 3ème étage
Au commissariat, l’inspecteur Frederik Abberline, est face à un mur. L’enquête restera non résolue.

Quatrième étage : Chambre de la victime

Située en haut d’un escalier nu et étroit, une chambre pauvrement meublée avec un lit de fer et un matelas de paille évoque la vie des victimes de Jack l’Eventreur. Des photos des jeunes femmes ornent les murs et un effort est fait pour raconter leur parcours.

Filles de serrurier, ferronnier, soldat, fermier, parfois nées dans des familles de 8 et jusqu’à 11 enfants, elles se marient autour de la vingtaine, font à leur tour des enfants, – en perdent aussi, d’une mortalité infantile ravageuse -, touchent à l’alcool, jusqu’à ce que le couple finisse par exploser… La perte du soutien de famille et, in fine, de la maigre pension alimentaire payée par le mari signe le début de la pauvreté et la prostitution occasionnelle qui paie le loyer des asiles de nuit de ce quartier pauvre et mal famé de Londres…

Dans un coin de la chambre, une vitrine expose d’authentiques bonnets victoriens d’époque.

Musée Jack l'Eventreur : reconstitution de la chambre de la victime Jack the Ripper Museum : chambre de la victime

Sous-sol : la morgue du Musée Jack l’Eventreur

Dernière étape de la visite du Musée Jack l’Eventreur, la morgue du sous-sol, déconseillée aux moins de 16 ans, est sans doute l’endroit le plus racoleur du musée. Les avertissements placardés sur la porte, la table d’examen ensanglantée et les sales photos d’autopsie des 5 victimes de l’éventreur jouent la méthode frontale. On n’en ressort pas indemne !

Les soi-disant rapports d’autopsie sont, quant à eux, laconiques et n’apportent rien de nouveau.

Musée Jack l'Eventreur : vue de la morgue du sous-sol
Au sous-sol du musée, la reconstitution d’une morgue de la période victorienne

Dans les couloirs et la cage d’escalier du sous-sol, le musée Jack l’Eventreur se rachète une conscience en affichant quelques panneaux illustrant les thèmes de la santé et du logement dans l’East End à l’époque des crimes de Jack l’Eventreur.

La boutique du rez-de-chaussée où commence la visite propose un intéressant rayon librairie consacré notamment à l’affaire Jack l’éventreur et quelques souvenirs.

 

Pour conclure sur le Musée Jack l’Eventreur

En fan de séries policières, de polar et de frissons pas cher, un Jack the Ripper Museum en plein cœur de Whitechapel me semble une idée digne d’intérêt. Un pendant utile à d’autres visites sur le même thème, voire une étape sur l’un des nombreux Jack the Ripper Tours organisés dans le quartier. Je m’étonnerais presque qu’il n’existe pas déjà…

Si l’on met à part la déception  – au sens anglais de tromperie ?!!! – à la base du musée, il n’est après tout pas plus scandaleux, a priori, d’investir dans une attraction grand public – fût-elle une « machine à fric » – que dans un musée sérieux.

Le vrai scandale, à mon avis, est d’appeler « musée » ce qui n’est qu’une attraction peu ambitieuse et plutôt mal réalisée. 1 sifflet et 3 bonnets, c’est à peu près tout ce qu’il y a d’authentique dans le Musée Jack l’Eventreur. La déco est « dans le style de », on y trouve des répliques en cire, des reproductions des lettres de l’Eventreur, les mises en scène sont des « re-créations »… Le plus détestable à mon avis est d’ailleurs le « papier peint » utilisé dans les couloirs. Fait d’un montage de coupures de presse avec les mots importants (choquants) imprimés en gras, il souligne l’angle voyeuriste choisi par l’établissement et le côté artificiel de peu de prix des documents et objets réunis. Si l’on ajoute les anachronismes et les inventions – le salon du tueur, vraiment ? –, c’est juste une attraction « cheap », sauf pour le prix d’entrée.

A l’est de la Tour de Londres, coincé sous la ligne de métro (DLR, zone 2) et difficile à trouver, le minuscule musée Jack l’Eventreur ne semble d’ailleurs pas recevoir des foules. J’y étais à la mi-mai, absolument seule pendant la grosse demi-heure qu’a duré la visite.

Mal parti, il est douteux que l’établissement parvienne un jour à faire oublier la trahison de ses débuts, malgré la nomination récente d’un comité scientifique consultatif entièrement féminin…

Le Musée est au moins sûr de se trouver sur le trajet de toutes les manifestations féministes passées et à venir !

Vous l’avez compris, on peut s’en passer !

Comment imaginiez-vous un musée Jack l’Eventreur ? Pensez-vous qu’il devrait être fermé ?

 

NOTES ARTICLE :

  1. Une analyse ADN réalisée sur le châle de Catherine EDDOWES identifie Jack l’Eventreur comme étant Aaron KOMINSKI, un barbier polonais interné pour folie (Voir l’article du 12/03/2019 du Journal of Forensic Science : Forensic Investigation of a Shawl Linked to the “Jack the Ripper” Murders).

En Savoir plus :

Challenge British Mysteries 2019 avec LouCet article participe au Challenge British Mysteries 2019 de Lou

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